Idéaux killed by the radio star
Lundi dernier, alors que tous les gouvernements du globe se mobilisaient pour la survie de l'économie mondiale, le fondateur de la radio Skyrock Pierre Bellanger comparaissait devant la XVe chambre correctionnelle de Paris pour "corruption de mineure".
La justice ne rendant son verdict final que le 3 novembre, nous ne nous étendrons pas sur l'éventualité d'un délit.
En revanche, les propos entendus à l'audience peuvent laisser perplexe. Voire pantois. Fier comme Artaban de la petite communauté ésotérique de "polygamie choisie" qu'il composa avec de très jeunes femmes il y a quelques années, Pierrot le très très fou a sidéré BeniNews.
Evidemment, toute cette histoire croquignolette dessinerait sans doute un sourire coquin aux coins des lèvres de ceux qui en ont vu d'autres... s'il n'y avait un léger détail. Mon ami Pierrot, véritable plaque-tournante du rap français et génial précurseur de la planète-blog, est l'heureux président d'une des radios préférées des 15-25 ans. Et malgré les remontrances récurrentes du CSA, Skyrock, son étrange président à la "sexualité vigoureuse et curieuse" (comme il se définit lui-même) et son animateur phare Difool continuent de prodiguer quotidiennement aux djeuns des conseils amoureux empreints d'une poésie, d'une psychologie et d'une finesse rares. Bref, un ensemble de choc apprend "l'amour" à des adolescents en construction. Et ça, ça ne nous rassure pas du tout.
Ce fait-divers médiatique est en fait plus largement symptomatique d'une société en souffrance.
Ce même lundi 6 octobre, le magazine Elle titrait : "sexe, oui à l'amour, le plaisir sans se prendre la tête." Une lecture rapide des pages furieusement délicates et romantiques dudit magazine laisse assez peu de place au doute qui aurait pu s'instaurer dans la tête des lectrices ringuardes. L'amour est un espace coincé entre le nombril et le genou qui a vocation à être partagé de plein de manières mais surtout pas celle du catéchisme. Car chez Elle comme chez Pierrot, on est "libre".
Les médias sont "libres", les journalistes sont "libres" et les scénaristes sont "libres." Tout le monde trouve ça super mais nous pouvons quand-même nous poser une question naïve : les lecteurs/auditeurs/spectateurs, sont-ils vraiment libres, eux?
L'adolescente de 15 ans est-elle libre face à l'animateur admiré, la star vénérée, le héros adoré?
La réponse est évidente et pourtant qui s'en soucie? Quel média "libre" se pose véritablement aujourd'hui la question de sa responsabilité?
L'idolâtrie de l'argent ne fait pas uniquement du mal à notre économie et au portefeuille des parents. Elle détruit la société et l'innocence des enfants.
Patrick Le Lay, ancien président du groupe TF1, avait eu cette phrase très juste pour définir son métier : "TF1 vend du temps de cerveaux disponible à Coca-Cola". Et c'est vrai. Le business model d'une entreprise de média est effectivement de vendre de la publicité. Mais sommes-nous certains que Coca-Cola demande du temps disponible pour faire grossir des dégénérés? Sommes-nous réellement convaincus que L'Oréal demande du temps disponible pour maquiller des dépressives? Ne pensons-nous pas que Décathlon souhaiterait plus que tout au monde du temps disponible pour promener des familles saines?
Alors rêvons un peu et espérons ensemble que bientôt le temps disponible de nos adolescents soient un temps d'amour.