C'est l'amour qu'on assassine
Il n'y a pas grand chose à dire. Juste à pleurer, prier et espérer. Il y a tant de choses à ne pas dire. Ne pas hurler, ne pas haïr, ne pas venger. Il y a finalement peu et beaucoup de choses à dire. Continuer à prier, espérer... et aimer.
Les arabes chrétiens, ceux qu'on appelle les "chrétiens d'Orient",
vivent des moments difficiles. Des moments impossibles. Cela fait bien
longtemps que leur vie est compliquée. La dhimmitude ottomane, ce
statut discriminatoire imposé par les Turcs aux juifs et aux chrétiens,
n'était déjà pas le summum de la liberté; mais c'était le passé.
Aujourd'hui, alors que la dhimmitude de fait a remplacé la dhimmitude
légale, les chrétiens sont menacés de mort.
Sur cent personnes qui meurent pour leur foi, soixante-quinze sont des chrétiens...
Assassinats de coptes à Alexandrie en Égypte, exil forcé des chrétiens en Turquie, fuite en Irak, procès absurdes au Pakistan ou en Algérie, embrigadement en Chine, la liste est longue des atteintes au droit le plus élémentaire : la liberté. Liberté de croire, liberté de penser, liberté de prier. Liberté d'aimer.
Derrière ces drames humains terrifiants se cache un autre drame immense : c'est l'amour qu'on assassine.
Les chrétiens ne sont pas un mouvement politique ou ethnique. Ils ne
doivent pas l'être ni le devenir. Ce sont les fervents pratiquants
d'une foi, une espérance, une charité. Ce sont les disciples du Christ.
Ceux
qui menacent, qui bousculent, qui assassinent souhaitent créer le
fameux "choc des civilisations". Ils souhaitent enfermer les chrétiens
dans une communauté. Ils ont tort et ne gagneront pas. Le Christ est
universel.
La lecture de ce jour résume parfaitement cette lumière, cet amour
que les chrétiens doivent continuer de porter dans le monde, contre
vents, marées et attaques de pirates :
"Mes bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l'amour vient de
Dieu. Tous ceux qui aiment sont enfants de Dieu, et ils connaissent
Dieu. Celui qui n'aime pas ne connaît pas Dieu, car Dieu est amour.
Voici
comment Dieu a manifesté son amour parmi nous : Dieu a envoyé son Fils
unique dans le monde pour que nous vivions par lui.
Voici à quoi
se reconnaît l'amour : ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu, c'est lui
qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils qui est la victime offerte
pour nos péchés." (Première Lettre de Saint Jean 4, 7-10).
Cet amour qu'on assassine, c'est ce petit Dieu fait Homme que les
chrétiens orthodoxes fêteront le 7 janvier (Noël selon le calendrier
originel).
Cet amour qu'on assassine, c'est le pape qui se bat sans compter pour la paix.
Cet
amour qu'on assassine, ce sont les saints du ciel et les petits saints
du quotidien qui font les plus grandes œuvres de charité que
l'humanité ait connues.
Oh, il ne s'agit pas de compter les points comme Pie XII à qui on
fait dire avec humour cette phrase célébrant la mort de Staline et son
difficile passage devant Dieu : "dorénavant, il doit voir combien le Vatican a de divisions". Il y a des chrétiens bons et mauvais. Il y a des chrétiens qui ne suivent malheureusement pas le Christ. Nous sommes tous très trop
loin de la sainteté. Mais on ne doit pas, en Orient comme en Europe
d'ailleurs, empêcher un homme de cheminer vers l'amour du Christ. Cet
amour qu'on assassine.
Avec les drames qui se multiplient, les polémiques qui enflent, les cœurs qui se resserrent, un temps plus dur arrive. Celui du pardon et de l'humilité. Celui de la paix et de l'amour entier.
Benoit XVI le disait le 1er janvier : "renouvelons l'engagement pris par nous à l'indulgence et au pardon, que nous demandons à Dieu dans le Notre Père, en posant nous-mêmes la condition et la mesure de la miséricorde désirée. [...] la violence ne se vainc pas par la violence. Que notre cri de douleur soit toujours accompagné par la foi, par l'espérance et le témoignage de l'amour de Dieu."
Protégeons les chrétiens en agissant en chrétiens. Ne cédons pas aux provocations brutales, aux insinuations absurdes, aux incompréhensions manichéennes.
C'est l'amour qu'on assassine. L'amour qu'on tente d'assassiner. Mais l'amour ne peut pas mourir car il vient de Dieu.
Un
jour la France reverra la beauté du christianisme. Un jour l'Europe
redécouvrira la beauté du christianisme. Un jour l'Orient comprendra la
beauté du christianisme.
Un jour peut-être l'Homme ne sera plus subjugué par le pouvoir, le sexe, l'argent et la force.
Un jour peut-être l'amour assassinera le mal et ce jour-là, l'Esprit-Saint qui est en nous aura été écouté.